Swiss Carers Blog

Financement des proches aidants

Rédigé par Patrick Hofer | 12/8/24 11:00 PM

Conflits des assurances

Le paysage des soins et de l’accompagnement est en pleine transformation : les personnes âgées souhaitent de plus en plus rester chez elles aussi longtemps que possible, tandis que les proches aidants sont confrontés à une charge croissante. Dans ce contexte, les questions de financement et d’intégration des proches aidants dans le système d’assurance prennent une importance accrue.

Le débat actuel est marqué par des réglementations cantonales divergentes, des modèles de financement complexes et des intérêts parfois contradictoires entre les acteurs. Par exemple, quels sont les effets des éventuelles réductions des coûts résiduels pris en charge par les communes sur la qualité des soins ? Et quelle place est réservée aux proches aidants en termes d’indemnisation adéquate, de sécurité sociale et de reconnaissance sociétale ?

Réductions des coûts résiduels : qualité ou impératif d’économies ?

Au niveau fédéral et dans certains cantons (comme Uri, Zurich, Bâle-Campagne, Argovie, etc.), il est actuellement envisagé de réduire les contributions aux coûts résiduels versées par les communes aux prestataires de services, souvent justifiées par des facteurs tels que les distances ou des pressions structurelles sur les coûts. Mais cela permettra-t-il réellement une meilleure prise en charge des personnes soignées et de leurs proches ?

Alors que les organisations de soins à domicile traditionnelles (Spitex) dépendent depuis longtemps de ces financements, Martin Beck d’AsFam met en avant une structure de coûts totalement différente. Ses collaborateurs, y compris des proches aidants, sont spécifiquement formés et directement rémunérés pour les prestations fournies.

Cependant, les professionnels qualifiés dans le domaine des soins ne peuvent facturer qu’une petite partie de leur travail, ce qui complique un financement viable. « Avec des coûts résiduels plus élevés, nous pouvons maintenir un nombre limité de familles prises en charge par soignant diplômé, garantissant ainsi la qualité des soins », explique Martin Beck. « Plus les économies sont importantes, plus nous devons faire des compromis sur la qualité. » Il souligne également que les disparités cantonales dans les contributions aux coûts résiduels entraînent de facto une sorte de « péréquation financière » involontaire entre les cantons avec des contributions élevées et ceux avec des contributions plus faibles.

Azra Karabegovic de Carela précise également : « Sans financement des coûts résiduels, nos activités ne seraient pas rentables. » Les organisations Spitex traditionnelles ont toujours été dépendantes de ce financement. Pourquoi cela devrait-il être différent pour les prestataires spécialisés dans l’accompagnement des proches aidants, avec des structures de revenus et de dépenses comparables ?

De son côté, le Dr Andreas Hellmann de Pflegewegweiser met en garde contre un « patchwork » de réglementations cantonales différentes, qui compliquent non seulement la vue d’ensemble mais également la sécurité de la planification. « Un financement cohérent et axé sur les besoins est indispensable pour garantir une prise en charge stable et de qualité à long terme », affirme-t-il.

Emploi des proches aidants dans le cadre des assurances sociales

L’emploi des proches aidants est un autre sujet brûlant. Les systèmes actuels d’assurances sociales se montrent parfois sceptiques face à la rémunération de ce type de travail de care. Dans certains cas, les salaires versés aux proches aidants entrent en conflit avec d’autres aides financières, dont les conditions et les bénéficiaires varient selon les cantons ou les communes. Parfois, différentes formes de soutien sont mises en balance, ce qui va à l’encontre de l’objectif d’alléger la charge des proches aidants.

« Un emploi représente bien plus qu’une simple compensation financière », souligne Martin Beck. Intégrer les proches aidants dans un cadre d’emploi leur apporte reconnaissance, sécurité sociale, accès à une caisse de pension ainsi que des possibilités de formation et de perfectionnement. Le Tribunal fédéral a récemment confirmé que les salaires versés aux proches aidants ne peuvent pas être assimilés directement aux aides des assurances sociales. Il reste néanmoins essentiel de créer des règles claires pour ce domaine relativement nouveau.

Le Dr Andreas Hellmann partage cet avis et critique le fait que la pratique actuelle complique un allègement continu et fiable pour les proches aidants. Une harmonisation et une coordination des différentes aides financières sont nécessaires pour établir un système de soutien cohérent. Ce n’est qu’ainsi que le travail de care pourra être reconnu et rémunéré à sa juste valeur en tant que contribution essentielle à la société.

Attractivité grâce à la proximité, la fiabilité et des modèles flexibles

Dans un paysage où les aides financières sont difficiles à appréhender, même pour les professionnels, certains prestataires ont réussi à fidéliser une large clientèle. Martin Beck attribue son succès au fait que ses services sont assurés par des personnes ayant elles-mêmes vécu l’expérience des proches aidants, incarnant des valeurs telles que la confiance, l’engagement et la transparence. Des enquêtes de satisfaction menées auprès des patients, des proches et des collaborateurs montrent une forte acceptation des services.

Le Dr Andreas Hellmann estime que la principale motivation des clients est de garantir leur maintien à domicile à long terme – un objectif poursuivi par environ 80 % des patients. Le souhait de ne pas devoir intégrer un établissement est souvent étroitement lié à la question de savoir si les soins peuvent être organisés et financés de manière viable.

Une rémunération appropriée des proches aidants permettrait de dépasser un modèle où le travail de care est considéré comme une obligation familiale non rémunérée. Cela prendrait en compte les changements sociétaux, où femmes et hommes sont également actifs sur le marché du travail et partagent les responsabilités familiales.

 

« L’idée répandue selon laquelle le "sens" d’une tâche devrait suffire comme "rémunération" appartient au musée des excuses politiques pour le travail social bénévole. »

- Commentaire de la communauté Swiss Carers

 

Les premières études menées par Pflegewegweiser montrent que les patients sont en moyenne pris en charge environ dix ans plus tôt que dans les modèles classiques. Cela permet non seulement de retarder le recours aux soins en établissement, mais également de prévenir que les proches aidants ne deviennent eux-mêmes des « cas coûteux » pour le système de santé en raison d’un surmenage.

Faire face aux critiques : dialogue et transparence

L’attention croissante portée aux nouveaux modèles de prise en charge suscite également des critiques, parfois justifiées. Martin Beck reconnaît que « le cadre légal et les nombreuses incertitudes ont éveillé des appétits », certains acteurs du secteur n’agissant pas toujours avec les meilleures intentions. Son organisation s’efforce de répondre avec des valeurs d’entreprise claires et crédibles.

Le Dr Andreas Hellmann souligne que la critique est aussi une opportunité d’engager le dialogue et de rendre les processus transparents. Les accusations de pratiques commerciales douteuses sont rejetées avec fermeté. « La qualité des soins, le soutien aux proches aidants et le développement de preuves scientifiques restent nos priorités », affirme Pflegewegweiser. L’objectif est de renforcer la confiance du public grâce à la transparence et à la cohérence.

Vers une harmonisation

Les discussions actuelles montrent que la Suisse n’a pas encore trouvé de modèle unifié permettant d’équilibrer les soins stationnaires et ambulatoires, le soutien aux proches aidants et le financement des coûts résiduels. AsFam, Carela et Pflegewegweiser soulignent tous la nécessité d’une harmonisation et d’une plus grande transparence dans les réglementations. L’objectif devrait être de créer un système cohérent, tant sur le plan financier qu’organisationnel, permettant aux personnes ayant besoin de soins de bénéficier d’un accompagnement individuel et de qualité, sans que les proches aidants soient accablés par une charge excessive.

Face au vieillissement démographique et à la demande croissante pour des soins à domicile, il semble inévitable que les parties prenantes parviennent à un cadre plus clair. La réussite de ce processus dépendra en grande partie de la volonté d’aborder ouvertement les conflits d’intérêts existants, tout en gardant toujours au centre les personnes nécessitant des soins et leurs proches.